29 Mayıs 2012 Salı

SABAHATTIN ALI, POETE ET ECRIVAIN DE LA PRISON DE SINOPE


Göklerde kartal gibiydim, / J’étais comme un aigle dans les cieux
Kanatlarımdan vuruldum ; / J’ai été fusillé par les ailes ;
Mor çiçekli dal gibiydim,  / J’étais comme une branche de fleurs violettes,
Bahar vaktinde kırıldım.   / J’ai été cassé dans mon printemps

Introduction

Dans le cadre du « Symposium international et pluridisciplinaire sur le nord de l’Anatolie : Identités et territoires de l’Antiquité a nos jours » organisé par l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, les 14-15-16 avril 2011, je vais parler de «Sabahattin Ali, poete et écrivain de la Prison de Sinop ».

Pourquoi Sabahattin Ali ? Parce qu’il est l’un des poetes, nouvellistes, romanciers, dramaturges, traducterurs, journaliste les plus connus de la Turquie, et puis, quand on parle de Sabahattin Ali, ce sont sses poemes « chansons de prison  » qui reviennent a l’esprit. L’ un de ses poemes qui est toujours gravé sur le mur de sa cellule de prison, est chanté par tout le monde en Turquie, sans savoir parfois a qui appartiennent les paroles comme beaucoup d’autres poemes.

Nous pouvons dire que la littérature la plus importante de la Turquie depuis l’Empire ottoman, est la « littérature de prison »  ou la « littérature d’opposition ». La prison, pour beaucoup de poetes et d’écrivains, est une vraie école d’écriture littéraire ; parmi lesquels, c’est Nazım Hikmet bien sur, qui est le plus connu. Il n’a pas seulement cuit lui-meme, mais aussi beaucoup d’autres comme Kemal Tahir, Orhan Kemal, Sabahattin Ali, Ibrahim Balaban (peintre illettré),etc. en prison, et plusieurs poetes, écrivains en dehors de la prison avec ses poemes ou ses articles donnés dans les journaux et dans les revues depuis sa cellule sous les pseudonymes différents, et ses lettres envoyées a tous ses amis.

Je vais donc parler brievement de l’importance de la ville de Sinope, de sa prison, des poetes et des personnages importants qui ont passéune partie de leur vie dans cette prison et surtout de Sabahattin Ali qui n’a vécu que quarante et un ans dans la premiere moitié du XXe siecle et a été devenu identique de la ville et de la prison. Je veux bien commencer par ce poeme qui a été écrit donc dans cette prison et qui est toujours affiché sur le mur de la cellule ou il est resté a peu pres neuf mois: « Hapishane Şarkısı V ou Başın öne eğilmesin : Chanson de prison V ou Ne courbe pas la tete » :

Hapishane Şarkısı  V

Başın öne eğilmesin, / Aldırma gönül aldırma ; / Ağladığın duyulmasın, / Aldırma gönül
aldırma…

Dışarda deli dalgalar, / Gelip duvarları yalar ; /  Seni bu sesler oyalar, / Aldırma gönül aldırma…

Görmesen bile denizi, / Yukarıya çevir gözü: /  Deniz gibidir gökyüzü; / Aldırma gönül aldırma...

Dertlerin kalkınca şaha, / Bir küfür yolla Allaha…/  Görecek günler var daha ; / Aldırma gönül aldırma…

Kurşun ata ata biter, / Yollar gide gide biter ; / Ceza yata yata biter, Aldırma gönül aldırma…(1)

Chanson de prison V

Ne courbe pas la tete, / Ne t’en fais pas mon ame, ne t’en fais pas ; / Que personne ne t’entende pleurer, / Ne t’en fais pas mon ame, ne t’en fais pas…

Dehors les vagues folles, / Elles viennent lécher les murs ; / Ces voix t’apaisent, / Ne t’en fais pas mon ame, ne t’en fais pas…

Meme si tu ne vois pas la mer / Tourne les yeux vers le haut ;/ Le ciel est comme la mer, / Ne t’en fais pas mon ame, ne t’en fais pas…

Quand tes douleurs se cabrent, / lance une injure a Dieu.. / On a encore des jours a voir, / Ne t’en fais pas mon ame, ne t’en fais pas…

On finit les balles en les tirant / On finit les routes en les parcourant ; / Et on finit la peine en la purgeant, / Ne t’en fais pas mon ame, ne ten fais pas…



La ville de Sinope et sa prison

L’histoire de la ville remonte jusqu’au VIII siecle av. J.-C. avec l’installation des Milésiens dans la ville. Le philosophe et poete Diogene qui cherchait toujours le « vrai homme » est né dans cette ville, dans les années 413 av.J.-C. Et puis le roi du Pont, Mitridate en 135 av. J.-C. La ville est annexée par l’Empire romain en 63 et s’enrichit pendant cette époque. En 1214, la ville est prise par les Seldjoukides. En 1301, les Génois s’installent dans la ville et controlent le commerce de la Mer Noire. Les Ottomans prennent la ville en 1458 et en1853, quand les Russes veulent prendre la ville, les Français et les Anglais interviennent et provoquent la Guerre de Crimée.

Dans le passé, pendant l’Empire ottoman et aussi dans la République, la ville est connu plutôt par l’importance de sa citadelle qui se servait également de prison depuis l’Antiquité, elle est, depuis 2000, le musée qui attire le plus de visiteurs. Car, beaucoup de prisonniers importants y compris des écrivains qui ont du hébergé dans cette prison, ont écrit de nombreux poemes, nouvelles, romans, etc.  Un feuilleton de télévision « Parmaklıklar Ardında : Derriere les grilles » qui la vie des femmes dans la prison,  est toujours sur l’écran depuis 2007. Ce qui permet de connaitre mieux la ville et  la prison dans toute la Turquie.
La citadelle est solidée, au cours des ciecles, par onze tours dont les hauteurs des murs arrivent jusqu’au 18-22 metres et a une épaisseur de trois metres. Elle en pierre de taille. Il n’a qu’une seule entrée  et sortie de la ville. C’est pour cela, elle n’est pas seulement connue avec ses prisonniers « dangereux », mais aussi avec ses exilés comme par exemple ; Refik Halit Karay (nouvelliste et romancier :1913-1918), Mustafa Suphi ( journaliste et fondateur du parti communiste turc : 1913-1914), Ahmet Bedevi Kuran (écrivain et homme politique :1913-1915), Cevat Şakir (nouvelliste et romancier :1890-1973), Burhan Felek (journaliste et écrivain : 1913),  Refii Cevat (journaliste et écrivain : 1913),  Zekeriya Sertel (journaliste et écrivain : 1925-1926), Et parmi les personnages célebres de la prison, nous connaissons les noms de Kerim Korcan (1938-1948), Osman Deniz (1964- 1944), et c’est peut-etre Sabahattin Ali ; écrivain, nouvelliste, romancier, traducteur, dramaturge et journailste qui est le plus connu de tous qui est également notre sujet de discussion.

Sabahattin Ali : Sa vie et ses œuvres  

Sabahattin Ali (1907-1948) est né le 25 février 1907 a Gümülcine, une ville qui est aujourd’hui en Bulgarie. Son père qui était capitain dans l’Armée ottomane, aimait la littérature, soutenait le mouvement des « Jeunes Turcs » et était l’ami proche de Tevfik Fikret, grand  poete libérateur de la fin de l’Empire ottoman. Sa mere, diplomée de l’école primaire, aimait, elle aussi, lire des romans.

Sabahattin Ali Commence l’école primaire en 1914, a İstanbul et la continue a Çanakkale  a la suite de la nomination de son père dans cette ville. Il a vécu des des moments difficiles au cours de la Premiere Guerre mondiale. En 1918, ils sont venus s’installer d’abord a Izmir et puis a Edremit, apres l’occupation de la ville par les Grecs et finit l’école primaire dans cette derniere ville. Avec la dissolution de l’Armée ottomane, son père quitte l’armée et ils font le métier de marchand de rue pour pouvoir survivre dans les conditions tres dures de cette période de transformation.

Sabahattin Ali perd son père en 1926 et finit l’école moyenne d’Instituteurs d’Istanbul, le 21 aout 1927,  le poeme qu’il a écrit pour lui a été publié dans la revue« Güneş=Soleil », le 15 janvier 1927. Il est nommé comme instituteur dans une ville de l’Anatolie centrale, Yozgat, une ville conservatrice qu’il n’a pas aimé et a son retourne a Istanbul, a la fin de l’année scolaire, passe un examen aupres du Ministere de l’Education nationale et est qualifié parmi les boursiers qui vont en Allemagne  pour devenir professeur d’allemand dans les écoles secondaires. La, il y reste deux ans et trouve l’occasion de lire plusieurs ouvrages des auteurs classiques.

Sabahattin Ali retourne en Turquie, en 1930 sans finir son école et travaille quelques mois dans une école primaire a Istanbul.  Il réussit l’examen de langue étrangere organisé par l’Institut pédagogique de Gazi a Ankara et obtient le diplôme de professeur d’allemand. Au début de l’année scolaire de 1930-1931, il est nommé a l’école secondaire d’Aydın, une ville a l’angle de la Mer égéenne et de la Méditerranée.

 Sabahattin Ali écrit ses premiers poemes et nouvelles dans les revues « Güneş », « Servet-i Fünun », « Akbaba », « Hayat », « Irmak », « Meşale », etc.. Il a fait connaissance avec Nazım Hikmet qui travaillait, dans ces années-la (1930-1931) dans la revue « Resimli Ay », une revue de gauche ou Sabahattin Ali apporte ses nouvelles « l’Histoire d’une foret » et « l’Histoire d’un navigateur », premieres nouvelles qui touchaient la « réalité sociale »…

Selon Sabiha Sertel, l’amie et collaboratrice de Nazım Hikmet dans « Resimli Ay », « Sabahattin Ali qui connaissait la littérature progressiste allemande, qui était quelqu’un de gauche, mais n’avait pas encore des idées socialistes. C’est Nazım qui l’a poussé non seulement a « l’art réaliste », mais aussi au socialisme et a écrire des romans.»(2)

Sabahattin Ali a été arreté, la premiere fois a Aydın, a cause d’un journal du Parti communiste turc trouvé dans les armoires de ses éleves internes de l’école ou il travaillait. Il a passé trois mois en prison de la ville et c’est la qu’il a fait la connaissance de Youssouf le taciturne. Apres son acquittement, il est renvoyé a Konya, une ville historique de l’Anatolie centrale et plus conservatrice qu’Aydın. Il y commence a rédiger son premier roman, Youssouf le taciturne. Il est de nouveau condamné a un an de prison a cause de ses écrits et surtout a cause de l’ espionnage de l’un de ses « amis » prétendant qu’il avait insulté Mustafa Kemal, alors président de la République. Ali est arreté le 26 décembre 1932, passe quelques mois dans la prison de Konya et par la suite, renvoyé en 1933, a la prison de Sinop, ville antique située au d-bord de la Mer noire. Il retrouve sa liberté, neuf mois plus tard, avec une amnistie générale a l’occasion de la dixieme anniversaire de la proclamation de la République.

A sa sortie de la prison, Sabahattin Ali commence a travailler au Ministere de l’Education nationale comme responsable du Bureau des publications en 1934. Il se marie en 1935 et fait son service militaire en 1936. Sa fille Filiz Ali est née en 1937. Apres son service militaire, en 1938, il enseigne le turc a l’Ecole de Formation des maitres de musique a Ankara et devient dramaturge de l’école. Il est de nouveau appelé a l’Armée  avec le commencement de la Deuxieme Guerre mondiale en 1940. Il fait partie de l’équipe des traducteurs, au cours de Ministere de l’Education nationale de Hasan Ali Yücel, qui ont traduit plus de cinq cents classiques de tous les pays du monde.

Sabahattin Ali écrit, entre autre, son deuxieme roman « Le diable qui est en nous » en 1940 et son troisieme roman « La madone au manteau de fourrure » en 1943. Au total, il a  un recueil de poemes écrits a la manière de la poésie populaire : « Les montagnes et le Vent » (1943), cinq recueils de nouvelles : « Le moulin » (1935), « Le chariot » (1936), « La voix » (1937), « Le nouveau monde » (1943), « Le kiosque en verre » (1947). Il traduit également des ouvrages de Max Memmerich, de Sophocle ( a partir d’une traduction allemande), de H. Von Kleist, de A. V. Chamisso, de E. T.A. Hoffman, de Ignazio Silone, de A.S. Pouchkine et de F. Hebbel entre 1941-1944.

L’auteur a eu des problemes avec les milieux de droite qui ont fait suppression sur le gouvernement et surtout sur le Ministere de l’Education nationale qu’il le quitte et vient s’installer a Istanbul pour gagner son pain dans la presse et dans l’écriture.

Ali publie un journal satirique avec ses amis Aziz Nesin et Rıfat Ilgaz : « Markopaşa » (Marko-pacha) en 1945 a Istanbul. Et chaque fois que le journal est fermé, ils changent son nom et ils continuent avec un autre nom : « Malum Paşa », « Öküz Paşa », « Merhum Paşa », « Ali Baba » et apres l’assassinat  de Sabahattin Ali en 1948, la revue a été parue également sous le nom de « Yedi Sekiz Paşa » et « Medet » jusqu’en 1950.

Sabahattin Ali, dans le premier numéro de Merhum Paşa, le 26 mai 1947, écrit ceci a ses lecteurs, : « Nous ne publions pas ce journal pour ceux vivent comme des tiques sur le dos du peuple. Nous ne publions pas ce journal pour ceux qui passent leur vie en bavardant. Non, nous publions ce journal pour ceux qui gagnent leur vie a la sueur de leur front ; dans la terre,  sur la machine, avec leur plume ; nous le publions pour ceux qui sont honnetes. »(3)

 Markopaşa et les suites étaient toujours dans l’opposition et utilisaient un langage satirique malgré les fermetures, les interdictions, les menaces, les gardes a vue et les arrestations de ses écrivains et de ses propriétaires. Nazım Hikmet est déjà en prisondepuis1938. Les Allemands, d’un coté, les Anglais de l’autre veulent pousser la Turquie  a la guerre, et chacun veut trouver ses sympathisants et collaborer avec ses hommes a l’intérieur du pays. Nihal Atsız, un nationaliste-raciste tres connu des années quarante, écrit, dans sa revue « Orhun »,  une « lettre ouverte »  au premier ministre, Şükrü Saraçoğlu, pour reclamer les revues de gauche et leurs écrivains qui sont considérés comme des « traitres », parmi lesquels il cite les noms de Sabahattin Ali, Dr. Pertev Naili Boratav, Prof. Sadrettin Celal Antel, Ahmet Cevat Emre, etc., et il demande également la démission du Ministre de l’Education national, Hasan-Ali Yücel qui les embauche dans les institutions dépendantes  du Ministere. C’est pour cela que Sabahattin Ali quitte  ses fonctions dans le Bureau de traduction et au Conservatoire d’Ankara, le 11 décembre 1945.

Par la suite, Hasan-Ali Yücel aussi quitte le Ministere en 1946 et un sympathisant d’Hittler, Reşat Şemsettin Sirer le remplace. Les racistes-touranistes sont maintenant plus forts dans le gouvernement. Ils attaquent partout les journaux et les revues de gauche, les locaux des associations, les recteurs et les enseignants des universités. Ils font signer la démission  au recteur de l’université d’Ankara, le nouveau ministre supprime les départements des professeurs tres connus comme Pertev Naili Boratav, Niyazi Berkes, Mediha Berkes, Behice Boran, Adnan Cemgil, Muzaffer Şerif Başoğlu, etc..Boran et Berkes sont condamnés, en meme temps,  a trois mois de prison a cause de leurs écrits dans les revues « Adımlar », « Yurt ve Dünya », etc.. Par la suite Boratav va en France, Başoğlu aux Etats-Unis, Berkes au Canada. Sabahattin Ali est condamné de meme a quelques mois de prison. Comme il ne peut pas avoir son passeport, il veut sortir clandestinement du pays et a la frontiere bulgare, il est assassiné par des gens qu’on ne les a jamais identifiés  

Place de Sabahattin Ali dans la littérature turque contemporaine

Quand on parle de la littérature turque, on commence a parler des premieres inscriptions trouvées en dialecte de « Göktürk » a Orkhun et a Yenissey en Asie centrale, au 8e siecle (732-735). C’est la période pré-islamique. Aux XIe , XIIe  et XIIIe siecles, on voit naitre des écrits en dialecte ouigour et sous forme poétique de Yusuf  Has Hacib (1067-1070), le premier dictionnaire de la langue turque de Kaşgarlı Mahmut écrit pour défendre le turc contre l’arabe et le persan, et pour l’enseigner(1072-1074), etc. On peut citer également les noms d’Ahmed Yesevi au XIIe siecle, Yunus Emre au XIIIe siecle, Kadı Burhanettin au XIVe siecle, et  sans oublier bien sur les noms de Nasreddin Hoca, Hacı Bektaş Veli, Ali Paşa, Pir Sultan Abdal, Köroğlu, Karacaoğlan, etc..

A la suite de l’islamisation des Turcs chez les Seljoukides et puis chez les Ottomans, et surtout avec l’institutionnalisation de l’Islam dans l’Etat ottoman pendant les pouvoirs de Mehmet II et le Sultan Yavuz Selim, on constate un grand envahissement du turc par l’arabe qui est la langue du Coran et par le persan qui est langue de littérature et des beaux arts. Ce qui est intéressant, Yavuz Selim écrit ses poemes en persan et Ismail, le Chah d’Iran de meme époque écrivait les siens en turc…

La langue ottomane est composée du turc, de l’arabe et du persan, au début. Par la suite, on voit aussi l’influence d’autres langues, surtout du français. Elle est un sacrée mélange des langues que ni les Turcs, ni les Arabes et ni les Persans ne la comprenaient, sauf les gens du Sérail ottomans et peut-etre ceux qui ont une certaine éducation dans les medressés pouvaient la lire et l’écrire tant bien que mal. Donc, on a une littérature ottomane dans cette langue qu’on l’appelle « la poésie du Divan, de la Sublime Porte avec la métrique arouz», et une autre littérature dans la langue du peuple, c’est-a-dire en turc, ce qu’on appelle « la poésie populaire turque avec la métrique syllabique ». On peut y ajouter, bien sur, l’influence des littératures européennes en général, mais en particulier, l’influence de la littérature française a partir du XIXe siecle, surtout, a partir du mouvement des jeunes turcs qui ont séjourné en France et dans les autres pays européens. Ils introduisent de nouveaux genres littéraires comme le roman, la nouvelle ou les essais qui n’existaient pas dans la tradition littéraire turque.

Alors, Sabahattin Ali est considéré l’un des nouvellistes et romanciers turcs qui ont développé ces genres dans la langue turque, d’apres la période de la République, et  surtout apres les réformes de l’alphabet ( 1928) et de la langue (1932). Il ne faut pas oublier que ceux voulaient purifier la langue et la littérature en faveur de la langue du peuple étaient influencés, avant tout, de la Renaissance, de la Réforme, de l’Age des Lumieres, de la Révolution française, de la création de l’Etat-nation et des langues nationales.

Sabahattin Ali écrit ses poemes avec la métrique syllabique, c’est comme la poésie populaire qui est chantée par les Aşık (amoureux) s’accompagnant du saz, instrument de musique tres connu chez les Turcs depuis XIIe et XIIIe siecle et qui est encore utilisé dans toute la Turquie, mais aujourd’hui, tres peu de poetes « amoureux » qui chantent leurs poemes dans les cafés ou dans les rues…

Ali continue son aventure littéraire avec les nouvelles  qui refletent surtout la réalité sociale de la Turquie des années trente et puis les romans jusqu’ a sa mort en 1948, a l’age de 41 ans. Nazım Hikmet, dans une lettre a Sabahattin Ali, écrit ceci, en 1943: « …Je parle concretement : Tu es aujourd’hui le représentant de la nouvelle et du roman. Apres toi, nous avons Kemal Tahir, et puis Orhan Kemal et Suat Derviş. Kemal Tahir est un peu plus avancé par rapport a Orhan Kemal qui n’est encore qu’un poussin, un poussin plein de promesses, mais il est dans l’impossibilité de faire publier ce qu’il écrit. Quant a Suat Derviş, je crois qu’il n’écrit plus. Donc, c’est toi seule qui es le drapeau de la nouvelle et du roman turc. Aujourd’hui, c’est comme cela. Je comprends bien les difficultés et les responsabilités. Mais, je compte sur toi et j’en suis sur que tu assumeras toutes ces difficultés que tu portes. J’attends ton roman comme j’attends mon bébé qui va naitre. ( …)(4).

Le premier roman de Sabhattin Ali, Youssouf le taciturne est réquisitionné apres la publication,le 14 juin 1937, comme quoi il était contre les valeurs de la vie familiale et le service militaire. L’un de trois rapporteurs désignés par le tribunal est Raşat Nuri (Güntekin), romancier tres connu et inspecteur du Ministere de l’Education nationale de l’époque. Il dit cela : « A ma connaissance, Sabahattin Ali est le plus grand nouvelliste de sa génération. Et son roman Youssouf le taciturne est l’œuvre important qui pourra éclairer le visage de notre pays et de notre littérature. Youssour le taciturne est un roman du genre que les européennes l’appellent « le roman des moeurs et des traditions ». Ce genre d’ouvrages décrivent et critiquent surtout les institutions socio-politiques, le moral, les caractéristiques, les attitudes des gens et des classes sociales. Ils attaquent les mauvais cotés des institutions et des lois ou les obstacles qui empechent leur bonne fonctionnement et leur bonne application… ».(5)  Reşat Nuri Güntekin espere bien que le Procureur de la République ne donnera une décision qui empechera le développement de ce nouveau genre.

Dans la préface de la traduction de la « Madone au Manteau de Fourrure », on dit ceci « Sabahattin Ali est l’un des écrivains les plus importants des premieres années de la République. (…) Ses œuvres prennent comme sujet les réalités rurales (premiere fois dans la prose, surtout dans la nouvelle), sociales et psychologiques de l’Anatolie, et de meme que les soi-disant intellectuels d’Istanbul et d’Ankara. Ali est un grand défenseur du socialisme et il a été condamnés plusieurs fois en raison de ses idées et de ses écrits politiques. » (…)(6)

La Turquie n’est pas entrée a la Deuxieme Guerre mondiale, mais a subit d’importants changements et de transformations dans tous les domaines de la vie, positifs et négatifs a la fois. On voit, d’une part la création des Instituts de village, du Bureau de traduction, des universités, des musées et d’autres institutions du progres, et d’autre part l’influence plus fort de l’impérialisme et du nazisme dans le pays. Et puis, la doctrine de Truman et le Plan Marshall qui positionnent la Turquie contre l’URSS et le bloc socialiste avec les pressions et la chasse a l’homme de la Guerre froide.

Dans cette période, Nazım Hikmet qui est toujours en prison, travaille malgré tout, comme une école. Il écrit, a la fois ses œuvres et essaye d’instruire et de soutenir les jeunes écrivains en prison ou a l’extérieur. On peut citer les noms de Kemal Tahir, Orhan Kemal, Sabahattin Ali, le peintre illettré Ibrahim Balaban a l’intérieur ; Orhan Veli, Oktay Rifat, Melih Cevdet Anday, Bedri Rahmi Eyuboğlu, Cahit Sıtkı Tarancı, Asaf Halet Çelebi, A. Kadir, Behçet Necatigil, Cahit Külebi, Rifat Ilgaz, Aziz Nesin, Oktay Akbal, Haldun Taner, Necati Cumalı, Ceyhun Atuf Kansu, Ömer Faruk Toprak, Fazıl Hüsnü Dağlarca, Ahmet Hamdi Tanpınar, Attila Ilhan, Tahsin Saraç, Enver Gökçe, Ahmed Arif, Hasan Hüseyin Korkmazgil, Şükran Kurdakul, Salah Birsel, Arif Dino et les autres plus jeunes a l’ extérieur. Certains d’entre eux ont aussi connu la prison plus tard.

Et nous pouvons dire facilement qu’un tres grand nombre des poetes et prosateurs qui succedent a ses ainés ont suivi et suivent toujours leur chemin, et la littérature turque était et est, dans la grande majorité, une littérature progressiste et tres vive d’un certain « réalisme social » qui a pour themes privilégiés les difficultés de la vie des paysans, des ouvriers, des gens de l’exode rurale qui viennent vivre dans des bidonvilles autour de grandes villes, des intellectuels de petits bourgeois, etc..

Conclusion

Sabahattin Ali était un écrivain d’avant-gardiste comme Nazım Hikmet. Quelles que soient les conditions dans lesquelles il se trouvait, il n’a jamais arreté d’écrire. Il a toujours parlé avec le langage du peuple et de ses problemes. Il a bien montré combien le turc était une langue littéraire malgré son rejet au cours de six siecles de l’Empire ottoman. Il a toujours défendu les intérets du peuple, une vie et un monde meilleur. Et il en a payé cher comme ses contemporains en Turquie. Dans l’une de ses nouvelles écrites dans la prison de Sinop, il décrivait son état d’ame comme le suivant : «  Je suis resté longtemps dans une prison au bord de la mer, moitié dans les eaux. La voix des vagues qui se heurtaient aux murs de la prison, tintait dans les pieces en pierre et nos appelaient a des longs voyages. Des muettes qui s’envolaient derriere les murs en laissant des gouttes d’eau de leurs plumes, nous renvoyaient des clins d’oeil avec un certain étonnement et s’éloignaient tout de suite. Mettre, d’une part, un écrivain dans une prison, c’est de lui faire du bien. D’autre part, ce qui est pire c’est de savoir et voir combien la liberté est proche et en meme temps loin. A quelques pas, entendre et sentir la mer qui peut vous amener a des grandes libetés, et apres, regarder les murs épais de la citadelle et devoir imaginer la mer dans les yeux, ce n’est pas une torture, non ? »(7)

Sabahattin Ali est aujourd’hui l’un de deux grands nouvellistes les plus lus de la Turquie avec Sait Faik. Il vit et vivra toujours dans la conscience des gens qui esperent et qui luttent pour un monde meilleur.

Je finis ma communication avec les propos de Hıfzı Topuz, l’un de ses amis poroches de Sabahattin Ali, qui a écrit un roman intéressant a partir de la biographie de l’auteur : « Ne courbe la tete : Le roman de Sabahattin Ali » : « La tete de Sabahattin Ali ne s’est jamais courbée. Il a toujours défendu ses pensées dans ses œuvres et dans ses articles de journaux…Dans sa vie tres courte de 41 ans, il a donné non seulement des productions littéraires exemplaires qui ont été traduites dans plusieurs langues du monde, mais il a voulu aussi que son pays soit indépendant, libre et contemporain…Il a vécu avec les reves de ces valeurs, et il a payé ses reves au prix d’etre condamné en prison, d’etre exilé et d’etre assasiné dans les forets d’Istranca (a la frontiere bulgare).(8)

Ey gönül kuşa benzerdin, /    O mon ame tu ressemlais a un oiseau,
Kafesler sana dar gelir ;  /      Les cages étaient trop petits pour toi ;
Bir yerde durmaz gezerdin, / Pas un lieu, mai tu te baladais partout,
Hapislik sana zor gelir. /        C’est tres dur d’etre emprisonné

Références

  1. Ali Sabahattin, Bütün Eserleri: Dağlar ve Rüzgar, Kurbağanın Serenadı, Diğer Şiirler”, Ed. Cem, Istanul, 1990, p. 39.
  2. http. // www. biyografi info / Sabahattin Ali
  3. Ali, Sabahattin, “Markopaşa Yazıları ve Ötekiler”, Préparé par Hikmet Altınkaynak, Ed. YKY. Istanbul, 1998, p. 179.
  4. Ali, Sabahattin, “Hep Genç Kalacağım: Mektup”, Ed. YKY, Istanbul, 2008, p.398
  5. Ali, Sabahattin, “Mahkemelerde: Belgeler”, Ed. YKY, 2004, p. 65.
  6. Ali, Sabahattin, “La madone au Manteau de Fourrure”, Ed. Le Serpent a Plumes, Paris, 2007.
  7. Ali, Sabahattin, « Bütün Öyküler I », Ed. YKY, Istanbul, 1997, p.197.
  8. Topuz, Hıfzı, “Başın Öne Eğilmesin: Sabahattin Ali’nin Romanı”, Ed. Remzi, Istanbul, 2006.

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