« Yokluğun, Cehennemin öbür adıdır,
Üşüyorum, kapama gözlerini… »
« Ton absence,
est l’autre nom de l’enfer
J’ai froid, ne ferme pas tes yeux… »
Sa
courte biographie
Ahmed Arif est né en 1927 à Diyarbakır, la
plus grande ville du sud-est de l’Anatolie. Son père, Arif Bey, d’origine turque,
est fonctionnaire d’Etat : Une famille ottomane. Sa mère, Sâre Hanım, femme
de foyer, d’origine kurde, vient aussi d’une famille connue dans la région.
Elle est morte tôt, quelques années après la naissance d’Ahmed Arif au cours de
l’accouchement de deuxième enfant. Arif fait ses études primaires à Siverek et
à Urfa, villes du sud-est anatolien, dans un environnement féodal ou semi-féodal qui a beaucoup marqué
son enfance : La création de la République, les réformes kémalistes, les
relations féodales, les relations entre les peuples et le pouvoir central,
entre les citoyens et l’Etat, entre les gros féodaux, les paysans et les
brigands, entre la ville et la campagne, et puis, des recherches de solutions
locales, nationales ou internationales à des problèmes divers de la région dans
le cadre des problemes de la Turquie et du monde.
Arif
suit ses études secondaires à Afyon, une ville à l’ouest où il a
rencontré des professeurs et des amis qui s’intéressaient à la littérature et
ont eu beaucoup d’influences sur lui.
Arif suitégalement quelque temps des études de philosophies à l’Université
d’Ankara où il fréquente des milieux de gauche et il est incarcéré pour des
raisons politiques, emprisonné et torturé en 1951 et 1952 jusqu’en 1954. Il
apprend la mort de son père en prison et « cela est l’événement le plus
déchirant pour Ahmed Arif».[1]
Et puis la garde à vue à Diyarbakır chez sa soeur. Il passe des moments
difficiles et il n’écrit plus de poèmes. Dans sa libération, il travaille dans le journalisme pendant des
années à Ankara et il y est mort en
1991.[2]
Sa
poésie
Ahmed Arif est un poète de parole inhabituelle
de souffrance, de résistance et de fierté. Cemal Süreya, un autre grand poète
de la même période, le voit comme « un guérilleros qui lutte en
chantant ».Une longue et unique élégie dans la tradition de la poésie
turque. Ses premiers poèmes sont publiés dans les années cinquante dans des
différentes revues littéraires. Son seul recueil de poèmes « Hasretinden
Prangalar Eskittim : J’en ai usé des fers en ton absence » est publié
en 1968. C’est l’œuvre la plus
éditée(plus de quarante éditions), lue
et chantée en Turquie. Un certain nombre de ses poèmes « inachevés » qui
ne se figuraient dans son recueil sont publiés dans un autre livre après sa mort
sous le nom de « Yurdum Benim Şahdamarım : Mon pays est mom
carotide ».3
Nous pouvons dire facilement que la poésie de
Nazım Hikme, avec 40 mille mots qu’il a utilisés dans ses oeuvre, a ouvert une
nouvelle voie dans la littérature turque, que ce soit en poème ou en prose.
Comme le disait le romancier Yachar Kémal dans un discours, « tous les
écrivains sont passé par cette voie ». On voit également cette influence ,
dans une certaine mesure, dans la poésie d’Ahmed Arif, parce qu’Ils partagent, plus
ou moins, le même sort : condamnations en prison, oppressions, torture, peines,
combat, exile, isolement, résistances, espoir, désespoir, etc. ; ils ont
plus ou moins les mêmes sources d’écriture et la même conscience du monde, et
puis l’amour et la mort qui ne les
quittent jamais.
SEVDAN BENİ
Terketmedi sevdan beni, / Aç kaldım, susuz
kaldım, / Hayın, karanlıktı gece, / Can garip, can suskun, / Can paramparça… / Ve
ellerim kelepçede, /Tütünsüz, uykusuz kaldım, / Terketmedi sevdan beni…[3]
TON AMOUR ME…
Ton amour ne m’a pas quitté, / J’ai eu faim,
j’ai eu soif, / Sournoise, noire était la nuit, / L’âme étrange, l’âme muette,
/ L’âme morcelée… / Et menottes aux mains, / Sans tabac, sans sommeil je suis resté, / Ton
amour ne m’a pas quitté…[4]
La
différence entre les deux poètes c’est que Nazım Hikmet est plutôt, poète de la ville, d’Istanbul, de l’ouest,
d’un milieux plutôt bourgeois. Tandis qu’Ahmed Arif est surtout le poète de la
campagne, des montagnes, du sud-est de l’Anatolie, d’un milieux plutôt féodal.
Si Nazım a un langage national standard, lui, il a plutôt un langage populaire
local, un langage révoltant, un langage parlé, économie des mots et leurs rares
utilisations avec des images et des métaphores nouvelles qui lui sont propres.
Arif s’oriente vers les fables, les épopées, les légendes, les chansons et les
contes populaires, et il essaie de les transformer en un nouveau langage
poétique avec une conscience dialectique comme Nazım. Il en crée une nouvelle
forme, une nouveau contenu, un nouveau style, une nouvelle voix. Nous pouvons
dire aussi que les poèmes d’Ahmed Arif, surtout les poèmes dans « j’en ai
usé des fers en ton absence » peuvent être considérés come un seul long
poème du point de vue thématique, en autre « un autre paysages
humains » dans son genre. Cêst comme, par exemple, dans les poemes« Notes
de la Tour de Diyarbekir et la Berceuse d’Adiloş Bé bé », « Trente
Trois Balles ».
« …
Olancası bir tutam can, / Kadasına, belâsına
sunduğum, / Ben öleydim loooy…
Elim boş, / Ayağım pusu. / Bir ben bileceğim
oysa / Ne âfat sevdim. / Bir de ağzı var dili yok / Diyarbekir kalesi…
……. »
« ….
Je n’ai qu’une pincée d’âme, / A offrir à son
désatre, à son malheur, / Que je meure loooy… / Vide, ma main, / Piégé, mon
pied. / Or, moi seul saurai / Combien
j’aime à feu et à sang / Et aussi la
Tour de Diyarbekir / Qui a une bouche mais pas de langue…
……. »
Les nomades vivent, en générale, dans la
nature et parlent avec tout ce qu’il y a autour et les métaphores y sont
concernées. On en voit beaucoup la lune, les montagnes, les vents, les rivières, les couleurs et d’autres événements
de la nature en relation avec l’homme, dans la poésie d’Ahmed Arif et
avec une économie du langage :
AY KARANLIK
Maviye / Maviye çalar gözlerin, / Yangın
mavisine / Rüzgârda âsi, / Körsem, / Senden gayrısına yoksam, / Bozuksam, / Can benim, düş benim, / Ellere nesi? / Haydi
gel,
Ay karanlık…
İtten aç, / Yılandan çıplak, /Vurgun ve belâ /
Gelip durmuşsam kapına / Var mı ki doymazlığım? / İlle de ille / Sevmelerim, / Sevmelerim
gibisi ? / Oturmuş yazıcılar
Fermanım yazar / N’olur gel, / Ay karanlık…
Dört yanım puşt zulası, / Dost yüzlü, / Dost
gülücüklü / Cıgaramdan yanar. / Alnım öperler, / Suskun, hayın, çıyansı. / Dört
yanım puşt zulası, / Dönerim dönerim çıkmaz. / En leylim gecede ölesim tutmuş.
/ Etme gel, / Ay karanlık…
LUNE NOİRE
Du bleu / C’est le bleu que prenaient tes
yeux, / Le bleu incendiaire / Rebelle au vent,
Si je suis aveugle, / Si je n’existe que pour
toi, / Si je suis abîmé, / C’est mon âme, c’est mon rêve, / Que leur importe,
aux autres !... / Allez viens, / Lune noire !...
Plus affamé qu’un chien, / Plus nu qu’un
serpent / Amoureux fou et marqué, / Si je suis venu m’arrêter à ta porte / Est-ce
à cause de ce vide que je porte ? / C’est à cause de ces amours, / De tels
amours / Que les scribes écrivent mon firman / Viens ! Je t’en prie / Lune
noire…
Ils m’ont embusqué de quatre coins, / Visages
amicaux, / Sourires amicaux, / Ils allument leurs cigarettes à la mienne, / Ils
me baisent le front, / Silencieux, sournois, sortes de mille-pattes. / Ils
m’ont embusqué de quatre coins, / Je tourne, je tourne, je n’en sors pas. / La
mort me prend dans ma plus belle nuit. / Viens ! Je t’en supplie, / Lune
noire…
Traduction :
Ali Demir.
La réalité anatolienne est toujours présente
chez les deux poètes : Une réalité historique, socioculturelle, économique,
politique et d’autres. C’est un poème lyrique et épique à la fois :
ANADOLU
Beşikler vermişim Nuh’a, / Salıncaklar,
hamaklar, / Havva Ana’n dünkü çocuk sayılır, / Anadoluyum ben, / Tanıyor musun?
Utanırım, / Utanırım fıkaralıktan, / Ele, güne
karşı çıplak… / Üşür fidelerim, / Harmanım kesat. / Kardeşliğin, çalışmanın, / Beraberliğin,
/ Atom güllerinin katmer açtığı, / Şairlerin, bilginlerin dünyalarında, / Kalmışım
bir başıma, / Bir başıma ve uzak. / Biliyor musun?
Binlerce yıl sağılmışım, / Korkunç atlılarıyla
parçalamışlar / Nazlı, seher-sabah uykularımı / Hükümdarlar, saldırganlar,
haydutlar, / Haraç salmışlar üstüme. / Ne İskender takmışım, / Ne şah, ne
sultan / Göçüp gitmişler, gölgesiz ! / Selâm etmişim dostuma / Ve dayatmışım… / Görüyor musun ? / Nasıl
severim bir bilsen. / Köroğlunu,
Karayılanı, / Meçhul Askeri… / Sonra Pir
Sultanı ve Bedrettini. / Sonra kalem yazmaz, / Bir nice sevda… / Bir bilsen, / Onlar
beni nasıl severdi. / Bir bilsen, Urfa’da kurşun atanı, / Minareden, barikattan, / Selvi dalından, / Ölüme
nasıl gülerdi. / Bilmeni mutlak isterim, / Duyuyor musun?
Öyle yıkma kendini, / Öyle mahsun, öyle
garip…. / Nerede olursan ol, / İçerde, dışarda, derste, sırada, / Yürü
üstüne-üstüne, / Tükür yüzüne cellâdın, / Fırsatçının, fesatçının, hayının… / Dayan
kitap ile / Dayan iş ile. / Tırnak ile, sevda ile, düş ile. / Dayan rüsva etme
beni.
Gör, nasıl yeniden yaratılırım, / Namuslu genç
ellerinle. / Kızlarım, / Oğullarım var gelecekte, / Herbiri vazgeçilmez cihan
parçası. / Kaç bin yıllık hasretimin koncası, / Gözlerinden, / Gözlerinden
öperim. / Bir umudum sende, / Anlıyor musun?
ANATOLIE
J’ai donné des berceaux à Noé, / Des
balançoires, des hamacs, / Ta mère Eve, elle n’est qu’un enfant d’hier, / Je
suis Anatolie, moi, / Me connais-tu ?
J’ai honte, / Honte de la pauvreté, / Nue
devant l’étranger, au grand jour… / Mes bourgeons ont froid, / Mon aire crie
famine. / Dans le monde de fraternité, de travail, / Dans le monde de solidarité, / Dans un monde
où s’ouvrent les pétales d’atome, / Dans un monde de poètes, de savants, / Je
suis resté toute seule, / Toute seule et loin. / Le sais-tu ?
Ils m’ont trait pendant des années. / Avec
leurs chevaliers, ils m’ont brisé / Les
sommeils délicats du matin, / Des souverains, des assassins, des brigands, / M’ont
fait payer tribut. / Je m’en fiche d’Alexandre, / Du shah et du sultan. / Ils
ont disparu sans ombre ! / J’ai salué mon ami / Et j’ai tenu tête… / Le
vois-tu ?
Si tu savais, combien j’aime / Köroğlu, / Karayılan,
/ Le soldat inconnu… / Et puis Pir Sultan et Bedrettin. / Et puis il y a tant
d’amour / Que la plume n’en peut écrire… / Si tu savais, / Combien ils
m’aimaient eux aussi. / Si tu savait celui qui tirait des balles à Urfa, / Du
minaret, de la barricade, / De la branche de cyprès, / Comme il souriait à la
mort. / Je veux absolument que tu le saches, / M’entends-tu ?
Ne te détruis pas comme ça, / Si triste, si
étrange, / Où que tu sois, / Dedans, dehors, en classe, à ton pupitre, / Marche
sus, / Crache au visage du bourreau, / De l’opportuniste, du corrupteur, du
traître. / Tiens bon le livre, / Tiens bon le travail. / De tout tous tes
ongles, de toutes tes dents, / De tout ton espoir, de tout ton amour, de tout
ton rêve, / Tiens bon, ne me fais pas honte.
CONCLUSİON
Nazım Hikmet et Ahmed Arif ont eu la chance de
trouver des livres et de poètes dans leurs milieux familiaux et dans leurs
écoles au moment où il y en avait très peu en Turquie. Ils ont découvert la poésie turque populaire, la poésie du Divan
et la poésie du monde, dans la mesure du possible, et ils en ont profité
beaucoup pour créer leur propre poésie.
Nazım parle couramment le russe et le français, Ahmed Arif connait la poésie
persane et arabe, et un peu de français. Mais il a eu surtout la possibilité de
lire des œuvres classiques du monde traduits, dans les années 1940, par le
Ministères de l’Education nationale et envoyés dans toutes les écoles.
Comme Nazım avait déjà créé une novelle poésie
en faisant une synthèse de la poésie populaire, du Divan et du monde, dans une
conscience marxiste, sans négliger sensibilités poétiques, nous pouvons dire
que beaucoup de poètes, Arif le premier, des générations suivantes ont
poursuivi ce chemin en y ajoutant toujours des aspects nouveaux et en le
transformant en une poésie différente.
Aurore Sauvez Ferrare, journaliste et
écrivain, qui m’a beaucoup aidé dans la traduction d’Ahmed Arif en français
écrit cela dans « Avant Propos » : « …tant il interpèle ce
qu’il de plus humain en chacun de nous, de plus simple, de plus profond
aussi ; tant l’universalité de sa thématique est accessible à tous.
L’amour, la mort ; deux poids, deux mesures sont en balance tout au long
de ce long monologue qu’est en fait ce recueil, au bout duquel la mort vaincra.
Cet homme qui se débat, tantôt a peur, doute, tantôt espère, attend, c’est
nous. Cet homme qui déroule sa mémoire, ruban où bonheurs et malheurs
alternent, si intenses, nous emporte, touche à la révolte intime dont nous
sommes tous porteurs.. »
DEDANS
Le sais-tu, mur de pierre? / Porte en fer,
fenêtre aveugle, / Mon oreiller, ma couche, ma chaîne, / Pour toi je suis
suspendu entre la vie et la mort, / Photo triste en ma planque / Le
sais-tu ? / Mon visiteur m’a laissé
la ciboule / Mon tabac sent l’oereillet, / Aux montagnes de mon pays le printemps est
arrivé.
İÇERDE
Haberin var mı taş duvar ? / Demir kapı,
kör pencere, / Yastığım, ranzam, zincirim, / Uğruna ölümlere gidip geldiğim, / Zulamdaki
mahzun resim, / Haberin var mı? / Görüşmecim yeşil soğan göndermiş, / Karanfil
Kokuyor cıgaram / Dağlarına bahar gelmiş memleketimin…
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