Centre Culturel Anatolie, le 11 avril 2011, Paris
Sa vie
Il est né en 1902, a Salonique et il est mort
le 3 juin 1963 a Moscou. Il est petit-fils d’un pacha ottoman qui
compose des poemes avec la metrique classique du Divan. Nazım Hikmet écrit son
premier poeme : « Le cri de la Patrie » en 1913. En 1914,
L’Empire ottoman entre en guerre a coté de l’Allemagne et en sort vaicu. Nazım
Hikmet commence l’Ecole navale en 1015 et la finit en 1919. La Révolution russe
éclate en 1917. Le Premier poeme de Nazım est publié en 1918 dans la Revue
« Yeni Mecmua » intitulé « Pleurent-ils aussi sous les cypres ? ».
En 1919, sa mere et son père divorcent. L’Anatolie est aux mains des Alliées. Mustafa
Kemal et ses amis débarquent a Samsun pour organiser la Guerre d’Indépendance
contre les occupants étrangers et contre l’Empire ottoman . Les forces
alliées occupent Istanbul le 16 mars 1920. Mustafa Kemal ouvre la Grande
Assemblée nationale de la Nouvelle Turquie le 23 avril 1920 a Ankara. Mustafa
Kemal demande d’aide de Lénin contre les occupants impérialistes. Le 18 octobre
1920, il crée un parti communiste turc qui sera fermé quelques mois plus tard.
Le 31 octobre, Nazım et son proche ami Vala Nureddin quittent Istanbul pour
venir joindre les Indépendantistes a Ankara. Pendant ce long voyage a pied dans
la plupart que Nazım Hikmet connait la « réalité anatolienne » et les
conditions de vie des paysans.(1). A la suite d’un court entretien avec Mustafa
Kemal et Ali Fuat Cebesoy, pacha lui aussi, pruche collaborateur de Mustafa
Kemal et oncle de Nazım, ils sont renvoyés a Bolu, une ville entre Ankara et
Istanbul pour enseigner dans un lycée, car Vala est myope et Nazım a été exclu
de l’Armée ottoman a cause de sa maladie. Ils y restent une année scolaire et
partent, cette fois-ci, vers l’Union soviétique via la Mer noire et Batoumi
en1921. C’est la qu’il voit le poeme de Maikovski écrit en russe et en vers
libre sans le comprendre et lui aussi écrit son premier poeme en vers libre
apres avoir vu la misere des paysans russes au cours de son voyage en train vers
Moscou : « Les pupilles des affamés ». Nazım ve Nureddin entrent
a l’Université communiste des peuples d’Orient (KUTV), octobre 1922. Apres la
victoire de la Guerre d’Indépendance et la Proclamation de la République, Nazım
retourne a Istanbul, en 1924. Il est déjà membre du Parti communiste turc
clandestin, travaille pour une courte durée, au bureau d’Izmir du journal
d’Aydınlık et une année plus tard, repart secretement pour l’URSS, a la suite
de l’application de la loi de pacification contre les révoltes réactionnaires. Nazım
est jugé, la premiere fois et condamné a quinze ans de prison pour distribuer
de tracts, le premier mai de 1925. La peine de quinze ans de Nazım Hikmet est abrogée
avec l’amnistie du 29 octobre 1926. Il publie son premier recueil de poemes en
turc a Bakou en 1928 : « Chanson de ceux qui boivent le
soleil ». Le 16 janvier 1928, les membres du Parti communiste en Turquie
sont arretés et Nazım est jugé et
condamné a trois mois de prison par contumace. Il a été arrété a Hopa, a la
frontiere géorgienne au moment ou il entrait clandestinement en Turquie. Il
reste aux prison de Hopa, puis de Rize, puis
il est transféré a la prison d’Istanbul. Un nouvel alphabet a été adopté
et adapté a la suite de l’alphabet latin, le 1e novembre 1928. Nazım est libéré le 23
décembre 1928. Juin 1929, il commence a écrire des articles dans le journal
« Resimli Ay » sous le titre de « Nous détruisons les
idoles ». Des jeunes d’extreme-droite attaquent les locaux du journal, le
7 juillet 1929. Juin 1930, La firme américaine Columbia sort un disque des
poemes de Nazım, lus par lui-meme, « Le Saule pleureur » et
« Mer Caspienne ». Le disque est écouté dans beaucoup de cafés en
Turquie. Le premier mai 1931, il est mis a garde a vue avec plusieurs personnes
identifiées comme communistes. En 1931, Nazım est acquitté du proces ouvert par
la cour pénale d’Istanbul contre ses poemes publiés. Le 10 juin, trois poemes
traduits de Nazım sont publiés, pour la premiere fois en français, dans la
revue Bifur a Paris. Janvier-février 1932, un article sur Nazım parait dans la
revue The Bookman a New York. Le 18 mars 1933, Nazım est de nouveau a garde a
vue pour délit de propagande communiste suite a la publication du livre
« Le Télégramme est arrivé la nuit ». Le 31 mai, ilest interpellé
pour avoir participé a la création d’un réseau communiste en vue de renverser
le régime en place et est incarcéré a la prison de Bursa. Le 29 juillet, Nazım
Hikmet est condamné a six mois de prison dans l’affaire de « Le Télégramme
est arrivé la nuit ». La meme année, il est aussi condamné a douze mois
d’emprisonnement pour un autre poeme et
a cinq ans de prison a l’issue du proces du Parti Communiste. Nazım est libéré,
le 4 aout 1934, a la suite de l’amnistie générale pour le 10e
anniversaire de la République. Trois poemes de Nazım sont publiés dans un
manuel de « L’Histoire de la littérature contemporaine » pour classes
de terminale préparé par Mustafa Nihat Özön en 1934 et en 1935, La Direction de
la Presse et de L’Information de Turquie inclut quelques poemes de lui dans une
anthologie publiée en français : « Les Ecrivains turcs
d’aujour d’hui ». En 1936, la revue Commune publie quelques extraits
de « Lettres a Taranta-Babu ». Le 1e juin 1936, la revue
Orak-Çekiç annonce l’exclusion de Nazım Hikmet du Parti communiste turc. Il est
arreté de nouveau a Istanbul pour propagande communiste au mois de décembre
1936 et libéré, un mois plus tard, sous caution. Le 21 juin, Nazım et ses amis
sont acquittés au proces en cours pour propagande communiste. Le 17 janvier
1938, il s’est arrété, cette fois-ci, pour « incitation a la révolte des
cadets » et il est transféré a la prison de d’Ankara. Il est jugé par des
tribunaux différents et est condamné, au total, 28 années et 4 moi de prison.
Et une longue vie de prison commence a Ankara, puis a Istanbul, a Çankırı
et a Bursa. Nazım écrit une lettre a Mustafa Kemal Atatürk, quelques mois avant
sa mort, le 17 aout, pour demander sa libération. Nazım commence a rédiger
« Epopée de la Guerre D’Indépendance » a la maison d’arret d’Istanbul
en 1939. Il est transféré a la prison de Çankırı avec Kemal Tahir, jeune
romancier, janvier 1940 et a la fın de la meme année a la prison de Bursa.
C’est la qu’il commence a rédiger «Paysages Humains », le 17 juin 1941.
Avec le mouvement de traduction des classiques du monde entier au Ministere de
l’Education National sous la direction du ministre Hasan-Ali Yücel, Nazım traduit en turc, le roman « Guerre
et Paix » de Tolstoi, avec Zeki Paştımar. Un comité pour la libération de
Nazım a éte créé a Paris, a l’initiative de l’Union des jeunes turcs
progressistes, soutenu par plusieurs intellectuels français et autres y compris
Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso, Paul Robeson, Louis Aragon, Tristan Tzara,
Charles Dobzynsky, etc. Tristan Tzara, responsable de ce comité, L’Association
internationale des juristes a Bruxelles, des intellectuels turcs écrivent des
lettres au président de la République et au président du Parlement, pour la
libération de Nazım Hikmet (1949, 1950). Le 8 avril 1950, Nazım commence sa
premiere greve de la faim a Bursa, le 9 avril, il est transféré a la prison
d’Istanbul. IL suspend sa greve a cause de son état de santé et sur la demande
des médecins et de ses amis. Il la reprend une deuxieme fois, le 2 mai 1950. Sa
mere Celile Hanım lance une campagne de signature a Istanbul, le 9 mai. Les
étudiants turcs publient un hebdomadaire intitulé Nazım Hikmet, le11 mai. Le 12
mai, les poetes du mouvement « Garip =Etrange » ; Orhan
Veli, Melih Cevdet et Oktay Rifat entament une greve de faim en solidarité avec
le poete. Le 19 mai, Nazım finit sa greve de la faim et le 15 juillet, il est
libéré a la suite d’une amnistie générale accordée par le nouveau gouvernement
d’un parti pro-américain (DP) qui est arrivé au pouvoir le 14 mai 1950. Nazım
retrouve donc sa liberté apres un séjour ininterrompu en prison de 12 années, 5
mois et 28 jours. (Au total :14 années, 6 mois et 27 jours) . Le 22
novembre 1950, Nazım (absent) partage le Prix international de la Paix
avec Picasso, Pablo Neruda, Paul Robeson
et Wanda Jakubowska. Le 8 juin 1951, Il
est appelé a l’Armée a l’age de 49 ans pour qu’il fasse son service militaire
alors qu’il soit malade et qu’il soit diplomé d’une école militaire. Le 17 juin
1951, Nazım, laissant sa femme Münevver et son fils Mehmet qui vient de naitre,
quitte clandestinement la Turquie « en compagnie d’un camarade »
(Refik Erduran), en boat d’abord, puis dans un bateau roumain dans la Mer
Noire, et il arrive a Moscou via Bucarest, le 29 juin 1951. Le 25 juillet 1951,
Nazım est déchu de sa citoyenneté turque par la décision du Conseil des
ministres. Dans les années suivantes Nazım Hikmet voyage beaucoup dans le monde
et participe aux festivals : Aout 1951, Festival mondial de la jeunesse a
Berlin ; novembre 1951, au Congrés mondial de la Paix a Vienne ; juin
1952, au Conseil mondial de la Paix a Pékin ; janvier 1955, a la Réunion
du comité de direction du Conseil mondial de la paix a Vienne ; aout 1955,
a la Conférence mondiale de la Paix a Hiroshima ; mai 1958, premiere
visite a Paris ; juillet 1958, au Congres mondial de la Paix a Stockholm ;
mars 1960, a une conférence a
Beyrouth ; avril 1961, deuxieme visite a Paris ; mai 961, a Cuba, il
transmet a Fidel Castro le prix décerné par le Conseil mondial de la
Paix ; février 1962, au Congres des écrivains afro-asiatiques au
Caire ; avril 1962, au congres du Parti communiste turc a Leipzig ;
novembre-décembre, 1962, voyages a Milan, Rome, Florence, Paris, etc. avec
Vera ; février 1963, au Congres des écrivains afro-asiatiques a
Tanganyika ; 3 juin 1963, mort du poete chez lui, a Moscou et enterré au
Cimetiere de Novodievitchi apres une cérémonie dans les locaux de l’Union des
écrivains soviétiques. Nazım était toujours interdit en Turquie, dans sa
propre langue entre 1938-1964. UNESCO a célébré le 100e anniversaire
du poete au cours de la « Journée mondiale de la Poésie », le 21 mars
2002. Et le 15 janvier 2009, sa citoyenneté lui a été rendue de façon posthume, par le Conseil des
ministres « reconnaissant que les crimes dont on l’accusait alors
n’étaient plus considérés aujourd’hui
comme tels ».(2)
Son
œuvre et sa contribution a la littérature turque
Nazım Hikmet a quinze recueils
de poemes, neuf pieces de théatre, six recueils d’articles dans les
journaux et revues, cinq recueils de correspondances, trois romans, un recueil
de contes, un recueil de fables, un recueil de communications, un recueil de
contes traduits, un roman traduit (avec Zeki Baştımar).
Nazım est, pour beaucoup de littéraires et
critiques, le plus grand écrivain turc du XXe
siecle. On peut dire que c’est lui qui est devenu un vrai pont entre la
littérature ottomane dans sa langue incompréhensible par le peuple et la
littérature moderne de la Jeune République en langue turque qui s’approche de
nouvelles couches sociales et de leurs problemes dans tout le pays. C’est lui
qui utilisé plus de 40.000 mots dans ses
œuvres. C’est lui qui a influencé presque tous écrivains de gauche et de
droite. C’est lui qui a réussi, la premiere fois, le vers libre dans la poésie
turque. C’est lui qui le plus traduit a l’étranger. C’est lui qui a réconcilié
le mieux le verbe et l’action pendant toute a vie :
«Moi un homme
Moi
Nazım Hikmet,
peote communiste turc moi
Ferveur des pieds a la tete
des pieds a la tete combat
La nostalgie et l’espoir moi »
Malgré une vie douloureuse, il garde toujours
son amour, son espoir, son optimisme, sa joie et sa force de vie et de combat
pour un monde meilleur :
« Je suis dan la clarté qui s’avance
Mes mains sont toutes pleines de désirs, le
monde est beau.
Mes yeux ne se lassent pas de voir les arbres,
Les arbres si pleins d’espoir, les arbres si
verts.
Un sentier ensoleillé s’en va a travers les
muriers
Je suis a la fenetre de l’infirmerie.
Je ne
sens pas l’odeur des médicaments,
Les œillets ont du s’ouvrir quelque part.
Etre captif, la n’est pas la question,
Il s’agit de ne pas se rendre, voila. »(3)
Pour lui, l’amour, la pensée et l’action sont
inséparables :
« …
Je
suis parmi les hommes, j’aime les hommes / J’aime l’action / J’aime la pensée / J’aime mon combat / Tu es
un etre humain dans mon combat / Je t’aime. »(4)
Ou encore :
« On nous a eus. / Nous sommes en prison,
/ Moi dans les murs, / Toi dehors. / Mais qu’importe ce qui nous arrive. / Ce
qui est pire, / C’est de porter en soi la prison. Conscients ou inconscient, / Tant
d’hommes en sont la, / Tant d’hommes honnetes et laborieux et bons / Qu’on
pourrait aimer comme je t’aime. »(5)
Nazım
passe, la derniere fois (1938-1950), plus de 12 ans de prison suite a un
complot d’incitation de l’Armée a la révolte contre le gouvernement, il souffre
beaucoup , mais il continue toujours a
créer, a travailler, a transformer la prison en une école de la littérature et
de beaux arts. Il lit, il écrit, il traduit, il corresponde avec ses amis, avec
sa femme Piraye, une vraie intellectuelle, avec des jeunes écrivains en prison
comme lui ou a l’extérieur, il donne des cours de français, des cours de
l’écriture, des cours du turc, des cours de peinture, meme a des illettrés
comme Ibrahim Balaban qui est devenu un peintre connu en Turquie. Les grands romanciers,
nouvellistes ou poetes comme Kemal Tahir, Orhan Kémal, Sabahattin Ali, sont
instruits, guidés en prison par Nazım Hikmet ou encore orientés. Il a également
des contacts directs ou indirect avec Adalet Cimcoz, Vala Nureddin, Mehmet
Fuat, Abidin Dino, Kemal Sülker, A Kadir, Cahit Sıtkı Tarancı, Orhan Veli,
Oktay Rifat, Melih Cevdet, Bedri Rahmi Eyuboğlu, etc..Il n’a pas peur de la
mort, mais il a le regret d’un chant inachevé. Dans une lettre écrite, a sa
femme Piraye, il dit ceci :
« Ma seule au monde,
tu me dis dans ta derniere lettre :
« Ma tete éclate, mon cœur défaille,
S’ils te pendent
si je te perds
j’en
mourrai ».
Tu vivras, ma femme,
Mon souvenir comme une fumée noire
se dispersera dans le vent.
Tu vivras, sœur aux cheveux roux de mon cœur
Les morts n’occupent pas plus d’un ans
les gens du vingtieme siecle.
Mais
rassure-toi, ma bien-aimée, si la main noire
et velue d’un pauvre tzigane
finit par me mettre la corde au cou
ils regarderont en vain
dans les yeux bleus de Nazım
pour y voir la
peur.
Dans la crépuscule de mon dernier matin
je verrai mes amis et toi
Et je n’emporterai sous la terre
Que le regret d’un chant inachevé.
Femme mienne
Mon abeille au cœur d’or
Mon abeille aux yeux plus doux que le miel
Pourquoi ai-je écrit qu’on me demande ma
mort ?
Le proces ne fait que commencer
On n’arrache tout de meme pas la tete d’un
homme
comme on arrache un navet.
Allons ne t’en fais pas
Ce ne sont que des possibilités lointaines.
Si tu as de l’argent
Achete- moi un caleçon de laine
J’ai encore la sciatique dans ma jambe
Et n’oublie pas que la femme d’un prisonnier
Ne doit pas avoir de noires pensées. »(6)
La poésie de Nazım Hikmet est une révolution
dans la littérature turque, pas seulement du point de vue de contenu, de style
et de forme, mais aussi du point de vue de la langue et de son indépendance
vis-a-vis de l’arabe, du persan et d’autres langues étrangeres. Il a toujours
soutenu les réformes kémalistes et a beaucoup contribué, au développement de la
langue et de littérature. A la suite de la Réforme linguistique en 1928 et en
1932, il disait cela dans l’un de ses articles parus au journal
« Akşam », le 12 novembre 1934 : « Le turc est au point tournant.
Il le dépassera tot ou tard. La purification de notre langue, comme de l’eau
ensoleillée coulera en traversant tous le obstacles.
L’eau est
mousseuse, impure dans les lieux tournants … Elle y est agitée…(…)
Notre langue supprimera, d’abord, la différence
entre la langue parlée et la langue écrite, et puis, nous allons purifier et éclairer les deux.
Moi, je n’ai pas peur des mots nouveaux. Un maçon habile peut les
utiliser dans cette nouvelle construction comme il faut. Ce qui est important,
c’est d’etre habile…
La langue marche… On ne peut pas se résister
devant celle qui marche… ».(7)
Nazım, quelles soient les conditions ou il
est, croit toujours a la « grande humanité », « au lendemain
plus heureux et essaye d’infliger cette croyance au cœur des gens. »(8) La
vie est belle et le monde suffit a tout le monde :
………………………………………………………………………
« Pense Taranta-Babu :
Le cœur
la tete
et le bras de l’homme
fouillant les enrailles de la terre
ont créé de tels dieux aux yeux de feu
Qu’ils peuvent écraser la terre d’un coup de
poing.
L’arbre qui donne des grenades une fois par an
peut en donner mille fois plus.
Si grand, si beau est notre monde
et si vaste, si vaste les bords des mers
que nous pouvons tous chaque nuit
nous allongeant cote a cote sur les sables
d’or
chanter les eaux étoilées.
Que c’est beau de vivre, Taranta Babu
Que c’est beau de vivre
comprenant le monde comme un livre
le sentant comme un chant d’amour
s’étonnant comme un enfant
VIVRE…
Vivre un a un
et tous ensemble
comme on tisse une étoffe de soie
Vivre comme on chante en chœur
un hymne a la joie
Vivre…
Et pourtant quelle drole d’affaire, Taranta
Babu
Quelle drole d’histoire
Que cette chose incroyablement belle
que cette chose indiciblement joyeuse
soit tellement dure aujourd’hui
tellement étroite
tellement sanglante
tellement dégoutante… »(9)
Nazım est toujours a coté de la jeunesse et meme
s’il y en a une jeunesse aux « chemises noires », il croit beaucoup
en eux. Dans le dernier livre publié au mois de janvier 2011 a partir de ses
derniers poemes des années 1958-1961, lus par lui-meme sur cassette chez son
ami Bedri Rahmi Eyuboğlu, peintre et poete connu qui qui se trouvait a l’époque
a Paris, et gardé par son fils Mehmet Eyuboğlu et sa belle-fille Huguette
pendant 50 ans, le poete dit ceci : « En réalité, il y a partout une
jeunesse formidable. C’est cette jeunesse qui a fait la révolution a Cuba, en
Corée, en Turquie, c’est cette jeunesse qui a combattu...Hier, j’ai vu, ici,
sur la place de Saint-Michel, la meme jeunesse qui a manifesté avec une grande
attention et une grande dignité, malgré toute sorte d’interdictions. Je suis
fier de voir cette jeunesse dans le monde entier. Et puis, je me sens aussi
tres jeune, je suis avec eux, les problemes qui le préoccupent, sont également
les miens ; tout ce qui les inquiete, m’inquiete aussi ; je me sens
donc plus proche d’eux que leur grand-peres. »(10)
Selon Öner Yağcı, romancier contemporain turc,
dans son livre intitulé « Clarté de Nazım Hikmet », dit que
« Nazım n’est pas seulement un créateur de la littérature, mais il est
aussi un théoricien, un critique littéraire.(…) Il a beaucoup contribué a la
langue et a la littérature turque.»(11)
On sait que Nazım a également influencé
beaucoup d’autres poetes dans le monde : Un poete nationaliste, mais aussi
internationaliste : Voila ce qu’il répondait Nazım Hikmet, dans une
enquete réalisé en 1958 a partir de la question : Qu’est-ce que
l’avant-garde ? » : « Je me considere, quant a moi, non
seulement l’héritier de la culture turque, mais aussi comme l’un des héritiers
de toute la culture de l’humanité. Quand je parle de culture, je ne pense pas
uniquement a la culture antique des Grecs ou de la Renaissance, mais a celle de
l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique. En tant qu’occidental, je suis fier que la
culture de l’Occident ait contribué au développement de la culture de mon pays,
mais inversement, je suis fier que celle-ci et toute la culture de l’Orient
aient enrichi le patrimoine humain, y compris celui de l’Occident. A mon sens, un
homme est riche musicalement s’il est sensible a la fois a la musique allemande,
chinoise et turque »(12)
Notes
et références :
- Hikmet, Nazım, « Les Romantique », Traduction : Münevver Andaç, Les éditeurs français réunis, Paris, 1964, p.63., « Je suis assis devant une table, a Batoum, a l’Hotel de France. Une table ovale, aux pieds dorés, pas les pieds seulement, mais la table toute entiere, avec des moulures, des creux, des bosses partout…Une table rococo… Ro-co-co…Ce voyage des rives de la Mer Noire a Ankara, et de la a Bolou, ce voyage a pied de trente-cinq jours, trente-cinq ans plutôt, et la bourgade ou j’ai fait l’instituteur huit mois durant, L’Anatolie, en un mot, que découvrit ce fils de pacha d’Istanbul, ce petit-fils de pacha pour etre plus exact, est maintenant sur la table rococo, a l’Hotel de France, a Batoum, étalée sur la table rococo comme un bout d’indienne sale, déchiré, taché de sang…Je la regarde, j’ai envie de pleurer… Je la regarde, et a nouveau, de colere, le sang me monte a la tete. Je la regarde, et nouveau, j’ai honte de la maison au bord de la mer. Et je me dis : décide-toi, mon garçon, décide toi…Ma décision est prise. Plutôt mourir que renoncer. Minute, mon gars, ne te dépeche pas tant. Posons ces questions sur cette table, a coté de l’Anatolie. Que peux-tu donner, que veux-tu donner ? Tout, tout… Ta liberté ? Oui ! Combien d’années peux-tu passer en prison pour cette cause ? Toute ma vie, s’il le faut… Oui, mais toi, tu aimes le femmes, la bonne chere, les bons vins, les beaux vetements. Tu meures d’envie de parcourir l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique. Si tu laisses la l’Anatolie, sur la table de rococo de Batoum, si tu passes de Tiflis a Kars, et de la a Ankara, en moins cinq ans, tu te retrouves député, ministre, et alors les femmes, la bonne chere, , les bons vins, l’art, l’univers… Non ! S’il le faut, je pourrai passer ma vie entiere en prion… Bon, mais si je suis communiste, je risque d’etre pendu, assassiné comme Moustafa Souphi et ses camarades, cette question, ne te l’es-tu pas posée, a Batoum ? Si…Je me suis demandé : As-tu peur d’etre tué ? Et j’ai répondu : Non…Aussitôt ? Sans réfléchir ? Non, tout d’abord, j’ai compris que j’avais peur, et puis que je n’avais pas peur.. Et je me suis demandé aussi si pour la cause, je pouvais me résigner a etre infirme, boiteux, sourd. A la tuberculose, a la cécité ? Aveugle ? Etre aveugle ?... Attends un peu, je n’avais jamais pensé que l’on pourrait aussi etre aveugle… Je me suis levé. J’ai fermé les yeux, tres fort. Je me suis baladé dans la piece… Dans les ténebres de mes yeux. A deux reprises, je me suis flanqué par terre, mais je n’ai pas ouvert les yeux… Et puis, je me suis arreté devant la table. J’ai ouvert les yeux. Oui, j’accepte, j’accepte d’etre aveugle… C’est enfantin, un peu comique meme… Mais c’est la vérité… Ce ne sont pas les livres, ce n’est pas la propagande, ce n’est pas ma situation sociale, qui m’ont amené la ou je suis… C’est l’Anatolie qui m’a amené… l’Anatolie que j’ai a peine aperçu, vaguement, d’un bout… C’est mon cœur, qui m’a amené la ou je suis… Et voila tout… ».
- Hikmet, Nazım, « Biographie et Poemes », Préparé par Erhan Turgut, Ed. Turquoise, Paris, 2002. / Yağcı, Öner, « Nazım Hikmet Aydınlığı », Ed. Berfin, Istanbul, 2003.
- Hikmet, Nazım, « Anthologie Poétique », Choix et Traduction : Hasan Güreh (Sabahattin Eyuboğlu), Ed. Les éditeurs français réunis, Paris, 1964, p. 110.
- Ibid. p. 97.
- 1bid. p. 98.
- Ibid. p. 90.
- Hikmet, Nazım, « Sanat, Edebiyat, Kültür, Dil : Art, Littérature, Culture, Langue », Ed. Adam, Istanbul, 1991, p. 51.
- Babayev, Ekber, « Yaşamı ve Yapıtlarıyla Nazım Hikmet : La vie et l’œuvre de Nazım Hikmet », Ed. Cem, Istanbul, 1976, p. 154.
- Hikmet, Nazım, « Anthologie Poétique », ibid, p. 37
- Hikmet, Nazım, »La Grande Humanité », Ed. YKY, Istanbul, 2011, p. 94.
- Yağcı, Öner, « Nazım Hikmet Aydınlığı » Ed. Berfin, Istanbul, 2003, p. 157.
- « Nazım Hikmet » par Charles Dobzynski, Les Lettres Françaises, Paris, No :724, 29 mai-4 juin, 1958 in Nazım Hikmet, « Biographie et Poemes », Préparé par Erhan Turgut, Ed. Turquoise, Paris, 2002, p. 98.
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